Comme nous en avons parlé quelques jours auparavant, Raphael Slawinski et Ian Welsted ont été choisis aventuriers de l'année par National Geographic. Lorsque nous lui avons présenté nos félicitations, il nous a répondu : « Merci beaucoup. C'est un grand honneur, mais c'est curieux parce que je ne me sens pas comme un aventurier.... mais comme un prof de physique qui va grimper pendant ses vacances. »
Cependant, nous pouvons tous être d'accord sur le fait que même si la plus grande partie d'entre nous grimpons ou pratiquons de l'alpinisme pendant les vacances, nous n'avons pas l'habitude de mener nos activités à tels extrêmes... et si quelqu'un a des doutes, voici les premières images.
La vidéo commence pendant que les deux alpinistes sont informés de l'assassinat de 10 alpinistes dans le camp de base du Nanga Parbat, ce qui provoque leur décision de faire un changement de programme pour l'approximation.

Nous partageons aussi l'interview que nous avons réalisée à Raphael via internet peu après son retour à Islamabad :
« Raphael Slawinski vient de réussir aux côtés d'Ian Welsted la première ascension de l'histoire au K6, dans le Karakorum. En 2007 Vince Anderson, Steve House et Marko Prezelj l'ont tenté, pour finalement arriver au sommet du K7 voisin (6858m). Mais le sommet le plus haut, le K6 (7040m), demeura vierge.
Ils ont atteint le sommet le 29 Juillet, après 5 jours d'escalade en style alpin, au premier essai. L'expédition était sponsorisée par Gore-Tex Shipton-Tilman Gran, Lyman Spitzer Award et Mugs Stump Award.
Nous avons donc parlé avec Raphael, une fois de retour au point de départ : « Nous venons d'arriver à Islamabad et nous sommes en train de nous « acclimater » à la civilisation : hôtels, restaurants, multitudes, circulation, pollution... mais nous sommes aussi en train de profiter pour chercher de bons endroits où aller manger. »

Vous êtes arrivés au Pakistan coïncidant avec l’attaque terroriste dans le Nanga Parbat. Est-ce que cela a changé votre programme?
Finalement, l’attaque n'a pas changé nos plans, si ce n'est par le fait que nous avons pris la décision d'éviter la Karakorum Highway et de prendre un vol, mais cependant, j'ai beaucoup pensé à continuer ou ne pas continuer. J'étais convaincu qu'à l'endroit où nous nous dirigions, nous allions être en sûreté. Baltistan est très différent de la zone de Chilas, où ont eu lieu les assassinats et je n'étais inquiet ni par le fait de devoir passer un temps à Skardu, ni par devoir passer un temps aussi dans la vallée de Hushe, qui est exceptionnellement amiable.
Mon principal souci était ma famille, restée à la maison et qui allait sans doute être inquiète à tout moment pendant notre séjour.
Finalement, après de nombreuses conversations j'ai réussi à les convaincre qu'il était raisonnable de continuer. Mais les mêmes considérations que j'ai eues ont fait notre ami Jesse Huey revenir à la maison.

Vous avez réussi à atteindre le sommet dans le premier essai. Comment vous vous êtes acclimatés avant le sommet?
Dans différentes montagnes. Nous avons tout d'abord commencé par faire du trekking aux alentours du camp de base, ce qui nous a menés au-dessus des 5000 mètres. Après, nous avons grimpé un pic d'environ 6000m et nous avons passé quelques heures au sommet. Nous nous sentions bien, donc peu de jours après nous avons escaladé une montagne de 6200m et nous avons bivouaqué pendant deux nuits au sommet. Après tout ceci, nous avons considéré que nous étions acclimatés et prêts.
Et nous avions raison : le jour du sommet au K6 lors duquel nous avons dépassé les 7000m, nous nous sentions en forme tous les deux.

Tu nous as expliqué que vous avez employé le style alpin pur et propre. Comment vous l'avez fait et combien a duré l'ascension ?
Nous avons passé 5 nuits dans la paroi, 1 jour pour l'approche jusqu'à la base du mur, 4 jours pour grimper jusqu'au sommet et 1 jour pour retourner au camp de base.
Le premier bivouac eut lieu dans une rimaye assez confortable. Les deux suivants dans des rebords mal taillés sur la glace. Et les deux derniers dans une petite, mais très confortable, colonne dans l'arête ouest.
Nous n'avons pas laissé de matériel dans la montagne, sauf quelques sangles pour faire les rappels. Nous avons dû faire 39 rappels et pour la plus grande partie nous n'avons rien laissé, car nous avons accroché les cordes directement à la glace. Mais dans la partie basse, comme il faisait plus chaud, la glace était plus humide et les cordes ont commencé à geler, donc nous avons dû laisser quelques sangles.
Nous n'avons employé ni cordes fixes ni jumars. Avant l'escalade nous avons été sous la cascade gelée pour essayer d'imaginer une voie.

Pourrais-tu nous décrire l'escalade?
Depuis le camp de base, situé à 4300m, nous avons traversé un glacier facile (Glacier Charkusa) jusqu'à une cascade de glace en mauvais état et une dangereuse et étroite vallée à environ 5500m d'altitude. La face nord-ouest, avec une inclinaison moyenne de 60º se dresse des 5500m jusqu'aux 6500. Une fois à cette altitude, nous avons dû descendre 100 mètres par la face sud pour éviter une arête très étroite (ligne discontinue dans le croquis). Le dernier pan jusqu'à arriver aux 7040m du sommet est un glacier assez incliné.
Pour redescendre nous avons marché jusqu'aux 6500m, fait plusieurs rappels sur la paroi comme j'ai expliqué avant et finalement nous avons suivi la voie à l'inverse.

Et à propos de la difficulté?
Le mur consiste principalement en un mur de glace de 50º-60ºm techniquement facile, mais assez épuisant. La glace est interrompue par des longueurs verticales mixtes. Si nous étions au Canada, je dirais entre WI4+, M6+, mais à 6000m nous avons éprouvé les longueurs les plus épuisants que j'ai jamais grimpé. À la fin j'étais tellement épuisé comme quand j'ai résolu Spray On. Bon, peu-être pas tellement, mais presque !