Ce granite parfait qui caractérise la très sauvage face Est des Grandes Jorasses est rayée en son centre par une magnifique ligne de dièdres : la voie Groucho-Marx. Celle-ci a été ouverte en 83 par les italiens Christiano et Fabio Delisi. Elle reste cependant peut connue, même si son ampleur et son style très engagé mériteraient un bon coup de projecteur. C’est cet aspect sauvage et le peu d’informations qui nous a tout de suite emballés.
Une première journée consacrée à l'approche le long du sérac amènera les grimpeurs dans le paysage alpin caractéristique de la haute montagne. Le lendemain, place aux choses sérieuses. Une série de longueurs en mixte et en rocher pas évidentes conduisent à une pente neigeuse puis à la vire qui accueillera leur deuxième bivouac. Sébastien Bohin s'occupe de l'installation du bivouac, tandis que Dimitry Munoz et Sébastien Ratel s'attaquent à la première longueur du dièdre.
Elle n’est pourtant cotée que 6a, mais je dois avouer que je n’y ai pas fait beaucoup de libre… Pour la troisième je poursuis dans mon style bien artif en y ajoutant quelques pendules scabreux ! Ça y est je fais relais au pied du toit caractéristique, il est coté A3, et vue son avancée, il va être émouvant… Mais chaque chose en son temps, nous fixons nos cordes et redescendons à la vire où Seb nous attends avec une bonne soupe.
Une fois le toit franchi, et non pas sans effort, la deuxième journée sur la paroi se passe essentiellement sur rocher. Le granite permet aux alpinistes de grimper avec des bonnes sensations aux pieds, en alternant le libre et l'artif, les chaussons et les chaussures d'alpi, dans une ambiance majestueuse jusqu'à la tombée de la nuit, moment de l'installation du bivouac sur une vire enneigée.
Ce troisième bivouac sera le plus rude, la neige étant inconsistante, nous ne pouvons tailler une plateforme pour nous allonger. De plus, le vent a forci et avec la fatigue nous y sommes plus sensibles. Nous grelottons toute la nuit, passant de positions inconfortables à pénibles.
Le lendemain la fatigue se fait sentir pour les alpinistes. Une série de longueurs plus faciles mais sur un rocher peu compact amenant à l'arête Tronchey. Sur l'arête les trois alpinistes décident d'avancer en continu, ce qui permet une progression plus rapide malgré les sacs chargés avec tout ce qu'il faut pour passer 4 jours dans la paroi.
Soudain se profile la corniche sommitale de la pointe Walker : les cris de joies et les insultes fusent, les sourires se dessinent sur nos visages émaciés.
Quelques mètres plus tard, Sébastien Bohin, Dimitry Munoz et Sébastien Ratel se réunissent au sommet. Il est midi et il fait beau. Les 3000 mètres de descente qui restent à faire ne sont pas suffisants pour gâcher la joie d'avoir accompli la première ascension hivernale de cette voie, dorénavant, un peu plus connue.
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